Espace L60

L'astronomie avec une lunette de 60 mm

... et avec la Toucam Pro de Philips

par Luciano Pignoloni

Tête à tête avec une lunette de 60 millimètres.

lunette 60/900 assemblée
La lunette de 60 mm équatoriale,
réparée avec les éléments
de la lunette azimutale.

Bon, qu'est ce que j'ai acheté ?

Lors d'un passage hebdomadaire dans une grande surface, j'ai fait l'acquisition de deux lunettes astronomiques à prix cassé car elles mêmes l'étaient un peu aussi ; perte d'une lunette de visée, un redresseur coudé brisé etc. Cependant pour quelques dizaines d'euros j'avais finalement :

Premier constat, ce type de lunette "made in China" est très répandu sous diverse marques, Meade, Tokura, Firstline, Celestron, Pert, Frehel et d'autres. Parfois la présentation et les accessoires varient; certaines acceptent des oculaires de 31.75 mm notamment ce qui est bien pratique. Sur des modèles nettement plus chers l'optique reçoit un meilleur traitement de surface.

Et l'optique alors ?

L'optique de 60 mm (parfois 70mm que l'on retrouve sur des configurations moyenne gamme) est composée d'un doublet avec un espace d'air. Son traitement de surface est réduit au minimum et sans doute l'on pourrait gagner un peu en luminosité et contraste mais perdre en prix !

Le démontage de cet objectif est tout à fait possible pour les curieux. Le pare-soleil est simplement emboîté à force. Ensuite il faut dévisser un barillet en plastique qui appuie sur la première lentille. Attention à la casse.

Il me semble illusoire de tenter de gagner en qualité par un quelconque réglage à ce niveau.

Les plus puristes pourront profiter de cette occasion afin de garnir 15 cm du tube avant d'un papier autocollant moins réfléchissant que la peinture interne. On trouve de ce papier dans les magasins de bricolage. Celui que j'utilise contient en surface une sorte de tissu noir mat.

J'ai également mis un peu de ce papier au niveau de la crémaillère et à l'entrée du redresseur coudé. Mais bon, je suis sans doute un peu paranoïaque sur ce sujet.

Il redresse tout !

Le redresseur coudé à miroir accepte des oculaires de 24,5 mm. Sa qualité optique est suffisante et le plastique omniprésent. J'ai inséré un petit élastique entre le redresseur et la vis qui le bloque sur la lunette afin de ne pas risquer qu'il tombe à terre en cas de serrage insuffisant. Le plastique n'encourage pas à serrer fortement si l'on tient à conserver les accessoires en état.

Envoyer les oculaires chez l'oculiste ?

Les oculaires fournis de type HUYGENS ne fournissent des images acceptables que dans une petite partie centrale. Ailleurs il produisent un chromatisme important qu'il ne faut pas imputer à l'objectif.

En fait c'est le gros point noir de ces instruments. Leur remplacement par des oculaires orthoscopiques modifie radicalement les images obtenues mais aussi le prix de revient.

D'autre part seuls les 20 et 8 mm sont utiles grâce aux grossissements qu'ils fournissent ; 40 ou 45 fois pour le 20 mm et 100 ou 112 fois pour le 8 mm.

Plus gros tu meurs !

Je recommande de ne pas grossir plus car on atteint la limite fort honorable de ces instruments. Oublier donc les grossissements de 450 ou 500 fois imprimés sur le carton ou la notice. De ce fait l'oculaire de 4mm permettant d'atteindre 200 fois ou plus ne sert pas vraiment. Les images sont tristounettes.

On peut oublier aussi les Barlow 2X ou 3X fournies sauf pour une éventuelle utilisation avec WebCam comme nous le verrons plus loin.

En fait on peut se fier à la bonne règle suivante qui calcule le grossissement optimal si l'on souhaite voir les plus fins détails en lunaire ou en planétaire : G = D X 15, D étant le diamètre de l'objectif en cm.

La qualité optique de l'objectif de 60 mm est donc globalement acceptable et identique à F/D=13 ou F/D=15 soit 800 ou 900 mm de focale sur les deux exemplaires dont je disposais.

Pour une mise au point ?

La crémaillère de mise au point en plastique peut être réglée par deux vis qui agissent sur la dureté du mouvement.

Les bricoleurs démonteront l'ensemble afin d'optimiser un peu le mouvement de translation. Sur mes instruments j'ai une précision de réglage tout à fait suffisante. La rapport d'ouverture étant important F/D=13 ou 15, la latitude de réglage est assez grande.

La seule lunette de visée dont je dispose rend bien des services même si les images sont entachées d'un net chromatisme. Le réticule est fin mais non éclairé ce qui est le cas aussi d'instruments valant 20 fois plus.

Son diamètre est de 24 mm et son grossissement de 5 fois.

La bonne monture.

La monture azimutale avec un mouvement "fin" par bras de levier et très délicate à utiliser à cause des incertitudes lors des pointage générés par toutes sortes de vibrations et de flexions. Je ne la recommande pas vraiment si l'on souhaite grossir plus de 40 fois. La mise au point est rendue délicate également par tous ces mouvements parasites.

La monture équatoriale allemande est bien utilisable après un démontage quasi complet, lubrification, réglages divers, équilibrage etc. Pour le prix il n'y a rien à dire. Les vibrations sont assez bien contenues et on bénéficie de mouvements lents après une mise en station qui peut être sommaire.

Sur le ciel que voit-on ?

Des tests visuels sur le ciel m'ont permis de déterminer un pouvoir séparateur de 3'' d'arc avec l'oculaire de 8 mm de focale et au centre du champ seulement. La stabilité des images est excellente ce qui est normal pour une L60. La turbulence a peu de prise ici. Le disque d'Airy et un premier anneau sont bien visibles même sur les étoiles brillantes.

En théorie on devrait séparer deux astres ponctuels espacés de 2'' dans de bonnes conditions et avec un oculaire de qualité. Mais avec les instruments dont je dispose cette valeur ne sera jamais atteinte car une certaine diffusion de lumière due sans doute au faible traitement de surface de l'objectif dégrade les performances.

Pour les puristes :

Je rappelle que la résolution se mesure sur des astres ponctuels de même magnitude et non sur les fins détails planétaires. Même s'il existe une corrélation non linéaire entre ces deux paramètres.

Sur la Lune la qualité des images est aussi limitée par celle des oculaires. Les plus fins détails ne sont perceptibles qu'au centre du champ. Je n'ai pu apercevoir avec certitude des cratères de moins de 8 km. Cependant je ne me suis pas attardé sur ce sujet.

Un ciel pas si profond ?

Par des conditions bien moyennes, en août vers 23 heures locales, des lampadaires à 30 mètres et la ville de Lyon à 10 km, j'ai pu nettement distinguer M57 comme un disque grisâtre et non un pneu.

Dumbell et M13 sont bien visibles, d'ailleurs elles le sont aussi dans une paire de jumelles J50X10.

On ne peut espérer obtenir beaucoup de détails sur les objets du ciel profond avec une L60 même si de nombreux objets sont simplement visibles par un ciel bien noir.

Le Soleil

Soleil L60/800 ToUcam Pro
Soleil. L60/800 au foyer et filtre mylar.
Webcam ToUcam Pro (640x480 pixels)
sans suivi équatorial.

En attendant la venue des planètes on peut se contenter du soleil. Mais attention les yeux. J'utilise aussi bien en visuel qu'en astrophotographie une feuille de papier mylar faite spécialement à cet usage. Cette matière qui ressemble beaucoup à du papier aluminium limite la résolution mais ceci n'est pas vraiment gênant avec une L60.

Cliquez sur l'image pour avoir un agrandissement à la résolution  maximale (22,4 K)

Améliorer les images c'est possible.

Mon conseil serait de se procurer à bas prix deux oculaires OR de 20 mm à 25 mm et de 8 à 9 mm de focale afin de profiter des performances de l'objectif qui sont correctes.

Une autre solution serait de se procurer un redresseur coudé 24,5 vers 31,75 mm. Ceci permettrait d'utiliser des oculaires de 31,75 si l'on en dispose par ailleurs. Attention cependant au vignette avec les focales supérieures à 20 mm.

Évidemment la monture équatoriale est à recommander particulièrement car même si elle n'améliore pas les images elle absorbe assez bien les vibrations et permet de faire le point plus facilement. Un seul mouvement sera alors nécessaire pour suivre les astres grâce à une mise en station approximative.

L'utilisation avec une Webcam.

Copernic L60/800 ToUcam Pro
Le cratère Copernic.
L60/800, Barlow 2x, ToUCam Pro.

Possédant déjà une Webcam ToUCam Pro de Philips et un adaptateur au coulant de 31.75 j'ai voulu faire des prises de vue lunaires avec ces instruments.

Remarquons au passage que cette Webcam est actuellement l'une des plus appropriées à l'astronomie. Son capteur CCD de 640 par 480 pixels est sans doute le plus sensible du marché des WebCam actuelles.

Cliquez sur l'image pour avoir la résolution  maximale (22 K)

La bonne résolution.

Lune L60/800 ToUcam Pro
Lune, L60/800 au foyer. Webcam ToUCam Pro.
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Attention car le constructeur parle de mégapixel pour ce modèle alors qu'en fait cette résolution est obtenue par interpolation ou par calcul si l'on préfère. Chaque fois que le choix se présentera je recommande fortement de cocher la résolution 640 X 480 et non plus ! Il sera toujours possible de gonfler un peu cette résolution par exemple pour des besoins d'impression mais uniquement après la prise de vue. Cette action n'a rien d'obligatoire. On n'augmentera pas en effet la finesse des détails enregistrés. Simplement la présentation sera un peu plus flatteuse surtout si l'interpolation est suivi d'un léger lissage et d'une accentuation aux petits oignons.

Pour quelques dizaines d'euros on peut donc acquérir un adaptateur en Téflon noir qui se visse à la place du minuscule objectif de cette WebCam exclusivement. Afin de réduire le diamètre à 24,5 mm j'ai récupéré en la dévissant, la jupe de l'oculaire de 4 mm qui ne servait à rien. Puis en insérant une ou deux feuilles de carton fin, j'ai glissé cette jupe à l'intérieur de l'adaptateur de la WebCam. En faisant dépasser la jupe d'une dizaine de millimètres je puis donc visser la caméra sur la lunette. Bien entendu dans ce cas je n'utilise pas le redresseur coudé. Il est possible d'intercaler une Barlow classiquement.

Posidonius L60/800 ToUcam Pro
Lune, région de Posidonius
L60/800 au foyer. Webcam ToUCam Pro.

J'ai réalisé plusieurs séries d'images au foyer et avec la Barlow 2X fournie.
Les focales respectives étaient donc 800 ou 900 mm puis 1600 ou 1800 mm.
La qualité de la Barlow 2X (ainsi que la 3X) est tout à fait moyenne. D'ailleurs je ne sais pas ce qu'on pourrait faire de la 3X sur un tel instrument.

Cliquez sur l'imagepour avoir la résolution  maximale
(19,9 K)

Pour les matheux :

Cyrille,... et Fracastor L60/800 ToUcam Pro
Cyrille, Catherine, Théophile, Fracastor.
L60/800 au foyer. Webcam ToUCam Pro.

Cliquez sur l'image pour avoir la résolution  maximale (21,4 K)

Théoriquement la combinaison suivante :

D=60 mm F=900 mm
Taille de pixel = 5,6microns

détermine un champ de 1,28'' d'arc sous un pixel. Ce qui est parfait pour une résolution de 1,28x2 = 2,56" d'arc. Je ne détaille pas plus ces calculs d'échantillonnage sinon vous auriez une raison de 'zapper'.

Tout ceci pour dire qu'avec la ToUCam Pro et la lunette L60/900 dont je dispose, la résolution de l'instrument est quasiment atteinte à son foyer si le capteur était de type monochrome et non RVB. Dans la pratique l'utilisation de la Barlow 2X fournie permet d'atteindre à peu de chose près la résolution de l'instrument.

Platon et la vallée des Alpes L60/800 ToUcam Pro
Platon et la vallée des Alpes (au centre).
L60/800 au foyer et Barlow 2x. ToUCam Pro.

Cliquez sur l'image pour aggrandir (36,9 K)

Attention car en l'absence de motorisation il n'est pas question d'exposer trop longtemps. D'ailleurs le temps de pose maximal de la Webcam étant de 1/25 de secondes, un petit calcul montre que l'on pourra utiliser tous les temps de pose de cette caméra sans obtenir des images filées sauf vibrations intempestives et involontaires !

Pour ceux qui disposent de versions modifiées de cette webcam ainsi que d'autres capteurs, je les renvoie aux articles spécialisés. Je ne développe pas ici ces notions qui intéressent plutôt les propriétaires d'instruments plus puissants. Il est clair que le ciel profond en imagerie et sans suivi équatorial n'est pas vraiment la vocation d'une lunette L60/800 ou L60/900 même si l'on peut essayer de tâter le terrain. Et pour finir ce serait un peu cocasse que de monter une CCD refroidie valant 20 fois ou 50 fois le prix de la lunette.

Les réglages de la WebCam.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce chapitre cependant j'indiquerai quelques conseils généraux.

Pour ma part et avec le modèle cité je déconnecte le mode réglage automatique et j'active le noir et blanc.

Cliquer sur le mode 5 images par seconde même si l'on opère image par image ! 
Laisser toujours les curseurs CONTRASTE LUMINOSITE et GAMMA en position médiane. 
Mettre le curseur de GAIN en position MINI puis régler le temps de pose afin d'obtenir une image non surexposée. 
Remonter le GAIN afin d'obtenir une bonne exposition ; zones claires non cramées.
Les deux curseurs de dosage des couleurs agissent sur la luminosité en noir et blanc. Il faut les régler une fois pour toutes en plein jour et en couleurs afin que le blanc soit blanc, les oublier ensuite.
On l'aura compris la meilleure image s'obtient avec un temps de pose long et un gain faible plutôt qu'un temps court et un gain fort.

Une fois ceci fait, il est possible de mémoriser ces réglages et de les rappeler. Simplement, ce que l'on fera varier ce seront uniquement le GAIN et le TEMPS DE POSE suivant les sujets.

Une autre possibilité offerte par la WebCam est de réaliser des séquences filmées au format AVI. On peut capter les objets bien sûr, leur mouvement, analyser la turbulence etc.

J'assemble la Lune.

 

Premier Quartier L60/800 ToUcam Pro

 

Lune le 13/08/02 à 21h locale. Composition de 8 images
avec une L60/800 au foyer. Webcam ToUCam Pro
(640x480 pixels) sans suivi équatorial.

 

Cliquez sur l'image pour avoir
la résolution  maximale (203,7 K)

 

Le champ obtenu au foyer est de l'ordre de 10' d'arc. Par assemblage de plusieurs images il est possible de reconstruire la Lune avec une assez bonne résolution. Les deux images composées que je fournis sont loin d'être parfaites.

En fait j'ai extrait les morceaux d'images de plusieurs films AVI fait dans l'espace d'une demi heure.

La Lune était très basse sur l'horizon. La lunette utilisée était celle à monture azimutale. Le champ ayant tourné je n'ai pas fait tourner les images dans le logiciel en sens inverse afin de compenser, faute de temps. Les raccords sont donc assez grossiers. On voit ici un autre avantage de la monture équatoriale.

Les images individuelles extraites des films AVI sont un peu moins bonnes que les images prises à la volée.

Si l'on souhaitait diminuer le bruit de fond par accumulation d'images et aussi améliorer la résolution, je préfère l'acquisition de nombreuses images fixes rapprochées et triées. Bon, j'arrête sur le sujet.

Des images à ne pas maltraiter.

Sur ce point très important il y a aussi beaucoup à dire et ceci serait applicable à toutes sortes d'instruments.

Cette phase essentielle demande du temps et beaucoup de conseils. Et d'ailleurs même les "vieux routiers" en apprennent encore au fil des jours.

Personne n'est cap ?

Chiche que quelqu'un mette au point un concours amical sur un site lunaires à photographier avec une L60.
Et après un vote sur le Web le gagnant disposerait d'un lopin de terre sur la Lune ?

Et encore une idée ?

Je propose un montage de deux L60 identiques en parallèle pour simuler une jumelle J60X100 et ce sur la monture équatoriale. Quelle belle vision on aurait avec deux oculaires orthoscopiques !

Conclusion provisoire

Ce texte aura peut être permis à certains de se faire une idée de ces instruments de base qui valent souvent moins qu'un oculaire SUPER PLOSSL. Le prochain objectif des deux L60 se nomme SATURNE puis JUPITER et MARS. D'ailleurs il n'est nul besoin de réaliser des images pour se faire plaisir. L'avantage d'un L60 est qu'elle est disponible et transportable tout le temps. Venir à bout de cet instrument demande une persévérance qui n'a rien à voir avec le faible coût de l'investissement.

N'hésitez pas à me contacter : lucienpignoloni@yahoo.fr